Traduction de George Newton
RÉÉCRITURE DE L'HISTOIRE
INT. AVION – JOUR
L’intérieur de l’avion-cargo rappelle les entrailles d’un animal immense. La structure métallique de son fuselage comme un squelette. Des rafales font trembler les uniformes vert olive. Parachutistes mis en rang. Un officier fait signe chacun quand il doit sauter. Des câbles en acier et des mousquetons coulissent d’un poteau sur le toit de l’aéronef. Si jamais ils se libéraient lors du saut. Le Capitaine est l’un des parachutistes. Environ trente-cinq ans. Grand, maigre, cheveux marron clair, sourcils arqués. La porte est une déchirure dans l’abdomen de l’Hercules C-130. Le Capitaine prie doucement Saint Michel, le saint patron des parachutistes. À quinze mil pieds de hauteur, le Capitaine est lancé.
EXT. CIEL – JOUR
Libre. Le vent lui déforme le visage. Le Capitaine déclenche le parachute. Le vent explose. Bruit sourd. La force de résistance le ralentit. Toutefois, le Capitaine atterrit avec une plus grande intensité que prévue. Il ressent l’impact sur son pied droit. Sur la terre ferme, il manipule le parachute pour annuler la force du vent et il se met à boiter.
INT. CASERNE/ REFECTOIRE – JOUR
Marmonnement. Plusieurs militaires rassemblés autour d’une table. Un magazine passe de main en main. Imprimé avec une photo du Capitaine. Uniforme vert, un insigne qui montre des petites ailes en argent et une casquette bordeaux. Le titre indique ‘Le salaire est faible’. Quand le Capitaine entre en boitant dans le réfectoire, les élèves officiers applaudissent.
INT. APPARTEMENT DU CAPITAINE/ CUISINE – NUIT
Pénombre. Un abat-jour pendu au-dessus d’une table en Formica. La lumière se projette sur le visage du Capitaine, faisant que ses sourcils paraissent encore plus arqués. Des papiers étalés sur la table. Des dessins qui frisaient ceux des enfants. Croquis. Une esquisse grossière montre un plan pour faire des bombes maison, deux piles de 1,5 V, un chronomètre, un détonateur électrique, du TNT, ainsi que des positions où les faire détonner.
EXT. CASERNE/ COUR – JOUR
Plusieurs élèves officiers rassemblés autour du Capitaine. À la suite de chaque phrase qu’il prononce, des cris d’accord, d’exaltation. L’un d’eux hurle en levant le bras haut et tenant le magazine enroulé comme s’il était une paille. Un officier de haut rang passe et vise le Capitaine. Il lui fait un salut militaire mais détourne le regard vers le sol. Tous les élèves militaires font le salut militaire. L’officier continue à le fixer quelques secondes avant de s’en aller.
INT. APPARTEMENT DU CAPITAINE/ CUISINE – NUIT
Pénombre. Un abat-jour pendu au-dessus d’une table en Formica. Le Capitaine soude des câbles et des pièces. La fumée de la soudure se mélange avec la fumée de la cigarette qui est posée sur le cendrier. Ses mouvements sont lents et consciencieux. Quand il finit d’assembler toutes les pièces des bombes, il les garde dans son sac à dos.
EXT. PLAGE – JOUR
Plusieurs élèves officiers jouent au foot de plage. À la suite de chaque phrase qu’il prononce, des cris d’accord, d’exaltation. Quelques-uns lui proposent de rejoindre l’équipe. Il fait non de la tête et indique le pied droit. Il parle sur le ton de la confidence avec d’autres élèves officiers. Il regarde bien tout autour puis leur montre les croquis des plans. Deux femmes passent devant, il les regarde et fait un commentaire inapproprié et puis continue à parler sur le ton de la confidence.
EXT. ALENTOURS DE LA CASERNE – NUIT
Des lumières blêmes des postes à peine illuminent la rue. Le Capitaine se gare dans le pâté de maison à côté de la caserne. Il marche furtivement, toujours en regardant de chaque côté et derrière. Il a son sac à dos. Il y a une voiture garée devant la caserne. Le Capitaine s’approche discrètement pour que les soldats dans les tours de guet ne le voient pas. Il s’accroupit et se met derrière le véhicule. Il retire lentement une des bombes de son sac. Encore une fois il regarde dans toutes les directions. Il branche/ connecte le chronomètre, qui émet un bip. Il appuie sur l’un des boutons cinq fois et une fois sur l’autre bouton, ce qui programme le chronomètre. Quand le chronomètre commence à compter, il se rend compte d’avoir programmé cinq secondes au lieu de cinq minutes. Désespéré, il se lève rapidement pour courir mais son pied droit le trahit, en faisant un mouvement brusque, cela l’empêche de fuir assez rapidement. L’explosion s’entend dans des dizaines de rues tout autour.
Le Brésil a été épargné.
André Timm est né à Porto Alegre et vit à Chapecó depuis 2004. Il est l'auteur de Insônia (2011) et de Modos Inacabados de Morrer, roman finaliste du Prix São Paulo de Literatura (2017), publié en Italie. En 2018, il a remporté le Prix Off Flip, du Festival littéraire international de Paraty. En 2020, a publié son deuxième roman, Morte Sul Peste Oeste.
George Newton étudie l'espagnol et le portugais à l'université d'Oxford. Il a commencé à s'intéresser à la traduction en traduisant pour sa famille française lors d'un séjour au Royaume-Uni; c'est ainsi qu'il a compris les nuances, le pouvoir et le rôle social des langues. Depuis lors, George a appris plusieurs idiomes et a étudié la littérature et la linguistique à l'université.
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